Le sommeil, image de la mort
- junior16973
- 27 nov. 2019
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Au Proche-Orient ancien, les rêves ou les songes étaient des opportunités pour accéder au monde du divin. En fait, le sommeil était un état qu'on rapprochait à celui de la mort et le rêve était vu comme un moyen pour Dieu de communiquer avec les humains.

Le rêve en tant que tel constitue une expérience fondatrice dans la conscience humaine. Il semble avoir bouleversé nos ancêtres dès les temps les plus anciens : alors que le corps repose en état d'immobilité, que toute vigilance a cessé, voici qu’un autre mode de conscience surgit. Le sujet voit, entend, ressent la joie ou la peur, sans que tout ceci ne laisse de traces dans le monde extérieur. N'y avait-t-il pas là pour eux le signe qu'existe en l'homme une âme, un principe immatériel autonome par rapport au corps physique ? Et ces expériences oniriques ne résultent-elles pas, de quelque manière d'une rencontre avec un monde surnaturel ?
Dans les sociétés archaïques, le rêve est en tout cas le moyen privilégié d'entretenir des rapports avec le surnaturel : de connaître les événements cachés, présents ou à venir, de maintenir l'équilibre avec le monde des défunts etc. C'est ainsi que les rêves induits chez les chamanes et hommes de pouvoir constituent un des pivots de la vie sociale dans mainte société tribale. Certains anthropologues ont été jusqu'à suggérer que l'expérience du rêve aurait présidé à la naissance de l’art, et que les peintures rupestres préhistoriques que nous pouvons contempler aujourd'hui reproduiraient des visions de type chamanique (cf J.Clottes et D.Lewis-Williams, Les chamanes dans la préhistoire, Seuil, 1996).
Dans la culture musulmane classique, la question du rêve a été abordée avec gravité et prudence à la fois. Gravité, car le récit affirme sans ambiguïté que le rêve est une partie de la prophétie qui perdurera dans la Communauté après la mort de son Prophète, et jusqu'à la fin des temps historiques.
Or, si l'on peut considérer le rêve comme la réalité, pourquoi ne pourrait-on pas considérer la réalité comme un rêve ? C'est pourtant ce que disent les poètes, les philosophes et les prophètes.
Une parole attribuée au Prophète de l'Islam déclare :
« Les hommes sont endormis et lorsque arrive la mort, ils se réveillent ».
Une autre variante de cette parole fait dire au Prophète :
« Les hommes sont comme dans un rêve et quand survient la mort, ils se réveillent ».
Dans le Saint Livre, sourate (39:42) Dieu dit :
« Dieu accueille les âmes au moment de leur mort ; Il reçoit aussi celles qui sommeillent, sans êtres mortes. Il retient celles des hommes dont il a décrété la mort. Il renvoie les autres jusqu'à un terme irrévocablement fixé. Il y a vraiment là des Signes pour un peuple qui réfléchit ».
On peut lire également dans la sourate (6:60) :
« C'est Lui qui vous rappelle durant la nuit (...) ».
Dieu reçoit aussi celles qui sommeillent, sans êtres mortes. Ensuite, Il les renvoie jusqu'à un terme irrévocablement fixé. J'ouvre une parenthèse pour partager le témoignage intéressant d'un musulman sur la vision qu'il a eu de ce verset sous forme d'événements spirituels :
« Dans un rêve, mon Seigneur m'accorda une vision sur les âmes qu'il reçoit pendant leur sommeil. Il faisait nuit, et je me vis sur une très haute montagne rocailleuse. Là-bas, je vis des hommes marcher en rang, les uns derrière les autres, et des anges ailés tenaient dans leurs mains des fouets. Et sur un ton ferme, ils donnaient l'ordre à ces hommes de marcher plus rapidement. En regardant vers le bas, je ne vis que du vide, ou quelque chose qui ressemblait à un abîme ténébreux sans fond. Je faisais partie de ce rang et ce qui était vraiment étrange c'est que tous ces hommes qui marchaient tête baissés, marchaient tous en dormants. C'était surprenant de les voir ainsi. Aucun d'eux n'avaient consciences qu'ils se trouvaient à cet endroit.
Sur la route, les anges frappaient avec leur fouet le chemin pour faire avancer le rang. Je ne comprenais pas ce que je faisais là, et pourquoi j'étais le seul à être conscient, à voir toute la scène. En m'approchant d'un des anges, je m'aperçois qu'il me regardait avec douceur et ensuite il me fit un sourire suivi d'un salut. Après quoi, il se tourne à nouveau vers le rang pour continuer à frapper de son fouet le chemin pénible et rocailleux que doit traverser cette foule endormie. Mis à l'aise par l'accueil de l'ange, je pris l'initiative personnelle de sortir du rang pour mieux regarder comment les choses allaient se passer et comprendre ce qui m'arrivait et où je me trouvais. Une fois que le dernier homme du rang est passé, je finis par comprendre pourquoi j'étais là. Alors j'ai quitté le chemin en me déplaçant dans les airs, je suis resté ainsi à regarder l'ange et lui aussi est resté à me regarder. Après quoi, je regardais sous mes pieds et je vis ce gouffre sans fond. Je me suis retourné pour voir une dernière fois l'ange et là, j'ai réalisé pourquoi je me trouvais ici. Je suis ensuite descendu dans le vide de plus en plus vite pour finalement me réveiller au moment de l'appel de la prière de l'aube ».
Je referme la parenthèse.
La tradition religieuse Juive, Chrétienne et Musulmane s'accordent pour dire que le rêve permet de saisir une parcelle de la réalité invisible du monde divin. Par exemple, le livre de la Genèse utilise fréquemment les songes. Le meilleur exemple pour montrer qu'ils permettent une médiation entre le Ciel et la terre se retrouve dans le récit de l'échelle de Jacob.
À ce propos, le Premier Testament est truffé de songes, comme celui de Jacob qui voit une échelle dressée vers le ciel, parcourue par des anges qui montent et qui descendent, Joseph, l'époux de Marie, qui voit en songe un ange venu le prévenir... De même les mages sont prévenus en songe de rentrer chez eux par un autre chemin... Le petit Samuel qui se réveille toutes les nuits à l'appel de Dieu... Dans les songes, Dieu se fait connaître.
Mais aussi lorsque le Pharaon reçoit le songe des sept vaches grasses et sept vaches maigres. Cet épisode montre qu’il y avait des experts dont la profession était d'interpréter les rêves. Ces experts ne trouvaient pas la signification de ce rêve. C'est un Hébreu, Joseph qui donnera la juste interprétation du songe du pharaon. Ce songe joue le rôle d'avertissement de Dieu pour que les Égyptiens puissent se préparer pour survivre à la famine qui vient.
Le rêve restera toujours dans le domaine du merveilleux. Il a toujours fasciné l'être humain qui en recherche la signification. Dans les Livres Saints, il y a un lien fort entre la prophétie, les songes et les visions. Ce sont trois façons de parler de la révélation que Dieu accorde à une personne.
Plusieurs sourates du Coran font explicitement référence aux rêves.
Le rêve dans le Coran: http://www.teheran.ir/spip.php?article1467#gsc.tab=0
Cependant, la journée que nous venons de vivre détermine la nuit que nous allons passer, mais la façon dont nous nous préparons au sommeil va également déterminer le jour suivant. L'Ange de la mort, c'est le nom que la Kabbale donne à l'Ange du sommeil, car chaque soir nous mourrons et chaque matin nous ressuscitons.
S'endormir, quitter le corps physique est un exercice que nous pratiquons chaque nuit, afin d'être prêts pour le jour où nous devrons véritablement partir dans l'autre monde. Celui qui ne sait pas comment s'endormir ne saura pas mieux mourir. Il n'existe aucune différence entre le sommeil et la mort, sauf que, lorsqu'on meurt, on quitte définitivement la maison que l'on habitait.
Pendant le sommeil, on la quitte également, mais un lien subsiste: la corde d'argent qui nous retient à elle. C'est pourquoi, certain au lieu de se précipiter sur les livres des bibliothèques, pensent qu'ils peuvent utiliser le sommeil pour s'instruire. Il faut comprendre combien le sommeil devient un acte sacré lorsqu'on s'endort avec l'intention de recevoir le connaissance.
Le sommeil, nocturne en particulier, représente par conséquent un moment grave dans le quotidien des hommes. Il peut en effet devenir le moment de la visite d'un ange, d'un prophète, voire de Dieu Lui-même.
Et les rêves prémonitoires ?
Des études ont montré que 60 % des prémonitions se déroulent en rêve. Toutefois, nombreux spécialistes sont sceptiques quant à leur crédibilité. Certains voient dans les prémonitions le simple besoin de projeter une envie à la réalité, d'autres pensent qu'il s'agit plus d'une coïncidence. Phénomène troublant connu depuis l'aube des temps, les rêves prémonitoires qui nous informent sur notre avenir ne seraient pas des légendes, mais le produit de l'une des facultés les plus incroyables de notre esprit.
Les rêves prémonitoires sont d'un poids historique puisque certains ont même été mentionné dans le Texte sacré : la vision reçu par le Prophète de l'Islam sur la victoire de la bataille de Badr, et la défaite du Mont Uhud auraient été prévues lors de plusieurs visions rapportés par le récit (hadîth) ; le Livre de Dieu évoque même le rôle du message onirique qui serait intervenu peu avant la bataille de Badr (VIII, 43-44).
Dans tous les cas, le rêve venait confirmer le dessein divin reposant sur un événement politique ou militaire, et donc lui donner sens.
Sourate (8:43/44) :
« Lorsque Dieu te faisait voir en songe tes ennemis peu nombreux (...) »
« Et aussi, au moment de la rencontre, Il vous les montrait peu nombreux (...) ».
Dans toutes les grandes villes (New York, Montréal, Toronto), il y a des registres qui centralisent les rêves, où l'on invite les gens à écrire leurs rêves supposément prémonitoires, 3% d'entres eux sont réellement prémonitoires. Dans l'émission ci-dessous René Ferron reçoit des invités qui témoignent sur la véracité de l'annonce des événements en rêves.
D'autre part, les rêves ont fourni des informations utiles dans le diagnostic médical pendant des siècles, commençant dans les temps anciens avec les traditions chamaniques des cultures indigènes du monde entier. Les chamans rêvent intentionnellement pour les membres tribaux en difficulté et interprètent les rêves qui surviennent pendant une crise de guérison pour fournir des conseils thérapeutiques. Souvent, les rêves étaient chargés d'enseigner aux chamans les usages spécifiques des plantes médicinales.
Dans la tradition amérindienne, les quêtes de vision impliquent quatre jours et quatre nuits de réclusion dans la nature à la recherche d'une communication spirituelle pour guider et comprendre. Dans ces rêves, toutes sortes de choses étranges et belles se produiraient, des choses qui ne pourraient jamais avoir lieu dans la vie ordinaire. Des êtres étranges apparaîtraient, et toutes sortes de créatures viendraient sous des formes impressionnantes. Ces visiteurs parleraient aux gens et leur donneraient des messages.
Dans la Grèce antique, des rêves ont été utilisés dans les temples ascelpiens pour des conseils sur les questions de santé, mais ce fait a été largement oublié dans la médecine moderne. Il y a une grande ironie dans cette déclaration, car ces temples étaient dédiés à Asclépios, dieu grec de la médecine, dont la verge avec le serpent unique enlacé est à ce jour le symbole de la médecine. Les pèlerins couvraient les rêves pendant la nuit dans les temples et les rapportaient à un prêtre le lendemain, dans l'espoir de recevoir une prescription appropriée pour un remède. Des rêves particulièrement efficaces pourraient même fournir une guérison spontanée par eux-mêmes. L'incubation de rêves est une technique utilisée pour planter une graine de rêve dans l'esprit, afin qu'un sujet de rêve particulier se produise, soit pour la santé, soit pour tenter de résoudre un problème.
Carl Jung, le fondateur de la psychologie analytique, a déclaré: « Je prends les rêves comme des faits diagnostiques valables », y compris leur utilisation dans le diagnostic des conditions médicales. Il ajoute également qu'il n'est pas rare que les rêves montrent qu'il existe un lien symbolique intérieur remarquable entre une maladie physique indubitable et un problème psychique défini, de sorte que le désordre physique apparaît comme une expression mimétique directe de la situation psychique.
Le psychiatre russe Vasily Kasatkin a publié la première recherche reliant les rêves à la maladie physique dans son livre La théorie des rêves dans 1967.
L'imagination créatrice comme organe de perception
D'habitude on est sollicité par nos perceptions matérielles mais pendant le sommeil elles ne sont plus en activités alors l'âme se détache du corps pour recevoir des messages d'en-haut. Ou plus exactement, la faculté imaginative qui est indépendante du corps prend le relais une fois que les cinq sens externes sont inactifs.
Par exemple, pour le philosophe français Henry Corbin, l'imagination est un organe de perception requis pour actualiser un mode d'être et de conscience. Selon lui, sans elle, il n'y a pas d'expérience religieuse possible. L'imagination est ce qui nous permet de percevoir.
Cela veut dire que durant des siècles la philosophie et la théologie occidentale se sont privées des moyens de donner le moindre sens, aussi bien à la religion qu'à l'art, dans la mesure où l'imagination a été « laissée aux poètes » qui, comme tous les artistes, ont été marginalisés et totalement incompris. Un système métaphysique qui inclut l'imagination créatrice est requis pour légitimer la réalité et comprendre la signification de vastes régions de l'expérience humaine, comprenant les rêves, les visions et les révélations prophétiques.
Henry Corbin évoque alors le principe d'une source commune à travers une filiation, non pas terrestre, mais céleste, prenant racine dans le « mundus imaginalis » (monde imaginal). Ce monde, Henry Corbin s'est efforcé d'en expliquer le sens dans ses multiples ouvrages.
Pour le philosophe, le monde imaginal, c'est la dimension intemporelle où « se déroulent » les événement rapportés dans les mythes, les grandes épopées. C'est aussi « l'endroit » où ont lieu les visions des prophètes et des mystiques, où les guides de l'humanité reçoivent leur mission. C'est le « lieu » des initiations mystiques. C'est encore celui des « filiations spirituelles dont l'authenticité n'est pas du ressort de la documentation, des archives ».
Ce monde imaginal est un point de jonction entre les mondes matériels et spirituels, il est qualifié de « terre des visions » et de « terre de résurrection », car c'est là que l'initié retrouve son corps glorieux (l' « Homme de Lumière » dont parle aussi Zozime de Panopolis, l'alchimiste alexandrin du IIᵉ siècle), qui rend possible les noces de l'âme, la rencontre avec sa Nature parfaite. Pour Sohravardî, ceux qui parviennent à cet expérience spirituelle deviennent des disciples d'Hermès.
Cette expérience fait entrer ceux qui la vivent dans la lignée d'une chevalerie spirituelle.
À propos d'Hermès ou Idrîs-Hermès
Le VIIᵉ siècle marque le début de l'islam. Bien que le Coran ne fasse pas référence à Hermès, les hagiographes des premiers siècles de l'islam identifient le prophète Idrîs, mentionné dans le Coran, à Hermès et à Hénoch. Cette assimilation permet à l'islam de se relier à la tradition helléno-égyptienne. Dans l'islam, Idrîs-Hermès est présenté à la fois comme un prophète et comme un personnage intemporel.
Abu Ma'shar, un astrologue persan du VIIIᵉ siècle, qui deviendra célèbre en Europe sous le nom d'Albumasar, formule un récit retraçant une généalogie d'Hermès. Ce texte, qui s'instaura dans le monde arabe, distingue trois Hermès successifs.
Le premier, Hermès le Majeur, aurait vécu avant le Déluge ; il est identifié à Thoth et présenté comme le civilisateur de l'humanité, celui qui fit construire les pyramides et y grava les hiéroglyphes sacrés de l'Égypte pour les générations futures.
Le deuxième vécut à Babylone après le Déluge ; il fut un maître en médecine, en philosophie et en mathématiques. Il aurait été l'initiateur de Pythagore. Enfin, le troisième Hermès est présenté comme le continuateur de ses prédécesseurs en tant que civilisateur. Il fut maître en sciences occultes, et c'est lui qui transmit l'alchimie à l'humanité.
Je termine avec le témoignage d'un musulman qui explique comment il est entré en contact avec Idrîs-Hermès pendant son sommeil :
« La nuit est tombé et je me prépare à dormir. Dans mon sommeil, j'eus la visite d'un personnage très mystérieux qui arrivait haut dans le ciel en descendant sur terre. Ensuite, il s'approcha à seulement un mètre de moi. En le regardant je me suis identifié à lui, en m'exclamant : " Mais c'est moi !"
Il me posa deux questions :
Sais-tu qui je suis ?
Je lui répondis "non" par un léger signe de la tête.
Sais-tu comment je m'appelle ?
Je lui répondis pareil "non" par un léger signe de la tête.
Alors, il me répondit : « Je suis le prophète Idrîs, regarde comment le Ciel se fend ».
Aussitôt mon corps fût élevé dans les airs, je me suis ensuite mêler aux nuages jusqu'à arriver au Ciel. Là, j'y ai posé ma main et aussitôt le Ciel s'est fendu pour laisser apparaître une lumière si intense qu'elle aveuglait ma vue (...) »
Fin du témoignage.
L'âme du dormeur, tout comme celle du défunt, est appelée à Dieu, mais elle est ensuite renvoyée dans le corps. Cette assertion justifie elle aussi que le sommeil permette le contact avec le monde surnaturel, car c'est au moment de cette assomption auprès de Dieu que, selon certaines traditions, des messages d'une vraie teneur spirituelle peuvent être confiés aux âmes.
Enfin, je vous invite si ce n'est pas déjà fait, à prendre connaissance du film intitulé "Le Drôle de Noël de Scrooge" qui est un film américain dont le récit est porté vers une quête mystique.
Il raconte l'histoire d'un londonien du nom de Ebenezer Scrooge, celui-ci aborde la période de Noël avec son dédain et son avarice habituels, maltraitant comme toujours son malheureux employé et son joyeux neveu. Pourtant, durant la nuit de Noël, pendant son sommeil, il reçoit la visite de trois fantômes (entités spirituelles) qui vont changer sa vie à jamais.
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